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enthousiasme

encore en fleurs. Mais un susurrement de source, de rigole permettait tous les espoirs. Sous les bancs de neige qui bordaient la route, le ruisseau, aussi joyeux que Mathilde, chantait avec force.

Elle le suivit fredonnant, ne songeant qu’au doux présent, ne pensant pas à la fatigue qu’elle allait peut-être ressentir au retour. Elle s’en alla jusqu’au bord du lac Saint-Louis, où elle retrouva soudain, avec la glace qui n’était qu’entamée l’odeur de l’hiver.

Malgré le grand morceau de flot bien bleu qui coulait, miroitant, triomphant lui aussi, Mathilde eut froid et vite retourna vers la terre fumante et plus chaude.

Elle dut tout de même finir par rentrer. Morte de fatigue, mais souriante et enthousiaste, elle remit en place d’un rude coup de brosse sa vivante chevelure, puis elle raconta ce qu’elle avait vu. Elle était transfigurée par la joie, mais elle croyait taire la profondeur de son enchantement.

Les jours suivants, il y eut des giboulées, du mauvais temps. Mais Mathilde, elle, savait que le printemps était arrivé et que sournoisement il progressait. Ne l’avait-elle pas vu, en personne, planer là-bas sur les champs ?

En effet, sous l’écran des giboulées, le printemps s’installait. Mathilde — comme on sort tous les jours beau temps, mauvais temps, le cheval de race qui a besoin d’exercice — Mathilde, maintenant que l’asphalte était nu, sortait sa bécane chaque après-midi sous prétexte de commissions à faire. Elle vit ainsi reverdir les gazons,