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enthousiasme

Il devint un expert, d’abord dans le choix des skis, et bientôt, étudiant dans les livres et recevant les leçons d’un vieux Norvégien qu’il connut par hasard, il apprit, lui aussi, à fabriquer les longs patins de bois. Son avenir était assuré. Sa mère, qui avait rêvé de le voir avocat ou courtier, ou dentiste, se sentait un peu humiliée. Mais Guy habitait à la campagne, comme il l’avait désiré, Guy était heureux, Guy gagnait amplement sa vie, et sauf pendant de courtes périodes, comme celle des fêtes, il trouvait le moyen de vivre beaucoup dehors, et d’être noirci comme un nègre par le soleil d’hiver. Pour cela, il avait pu s’adjoindre un aide, un gamin du village, intelligent, qui passait tous ses congés à garder l’échoppe ouverte et profitable, ce qui permettait à Guy d’aller voir son Yvette.

Rien n’était moins étonnant que cet amour. Tous les deux, Guy et Yvette appartenaient au même milieu ; tous les deux avaient été des enfants qu’un chauffeur en livrée conduisait à un Jardin d’enfants élégant. Tous les deux, au moment où ils devenaient jeunesse en fleurs, avaient été précipités du haut de leur splendeur dans une pauvreté presque honteuse. Le malheur de Guy datait de plus longtemps et ses parents étaient sortis de leur gêne momentanée. Pour Yvette, tout était plus désespéré. Son père était mort ne laissant pour héritage que la maison qu’elle habitait, désormais seule avec sa vieille mère que l’hiver emprisonnait dans sa ruine glacée.

En vérité, cette maison n’était pas une ruine. Bien entretenue, elle aurait été charmante. Le