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enthousiasme

jeûne. Vous voilà maigre comme un clou. Cette vie de chien que vous faites !

— Pénitence d’Avent !

— Si c’était vrai, ce serait beau. Vos privations, au moins, offrez-les, hein, Guy ? Vous et moi nous avons tant besoin de grâces…

— Et les grâces, elles commencent à pleuvoir. Tout va changer, vous allez voir. Vous vous souvenez des skis que j’ai finis hier ? Savez-vous combien je les ai vendus ce matin ? Vingt-cinq dollars ! Et c’est la troisième paire du même prix qui part cette semaine…

— Eh bien, moi, je n’ai rien vendu, hélas ! Mes tâches sont d’humbles tâches. J’ai dû descendre trois fois à la cave, pour la fournaise, cette nuit. Tout craquait de froid dans la maison, et j’avais peur que l’eau gèle. Ce matin à huit heures, je mettais mes skis, et je courais chez le fermier à un mille du côté de Sainte-M… J’étais décidée à me mettre à genoux devant lui pour obtenir qu’il me vende de son bois sec et franc, qu’il ne vend à personne. Sans ça, cette fournaise me fera mourir… à force de mourir elle-même dix fois par jour, et presque autant par nuit. Elle est toujours, toujours éteinte…

— C’est abominable Yvette… Et moi qui suis si loin…

— Il a juré que j’en aurais cet après-midi. Je lui ai conté ma misère et je l’ai attendri. Il a trouvé que les marchands de bois étaient bien malhonnêtes d’avoir abusé de ma pauvreté et de mon ignorance. J’suis revenue à la maison, Maman grelottait dans ses châles. Je me suis