Page:Le Normand - Enthousiasme, 1947.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
191
hobo d’occasion

il s’achemina vers un restaurant. La nécessité de manger, tout à coup reprenait son importance.

Tout en mangeant, Louis hésitait tout de même, se demandant s’il devait continuer ce voyage. Il s’était dit en partant qu’il serait assez sage pour ne pas s’obstiner, si son entreprise était plus hasardeuse et plus difficile qu’il ne l’avait d’abord pensé. Étudiant l’horaire des trains de marchandises pour l’Ouest, il constatait qu’il lui serait difficile d’en attraper un à Calgary. Alors, tout en avalant son premier « bacon and eggs », il résolut de retourner vers l’est le soir même.

Réconforté par sa tasse de café, son repas chaud, il ne s’était pas promené une heure dans la ville qu’il se trouva à un passage à niveau bloqué par un train immobile, et un train à destination de Vancouver, comme l’indiquait clairement l’U. R. S. S. marqué sur certaines grosses caisses. Il n’avait plus le temps d’hésiter. Le train allait repartir. Il sauta dans un wagon découvert.

Le destin décidait pour lui. S’il n’allait pas jusqu’à Vancouver, il verrait au moins les Rocheuses.

Et il les vit. La puissante locomotive à l’huile — à dix roues motrices — avait à peine parcouru vingt milles, que l’œil de Louis découvrait à l’ouest les grands pics neigeux barrant l’horizon. Avant de les atteindre, une grande distance restait cependant à parcourir. Le terrain s’élevait, les conifères se faisaient plus nombreux. Le train suivait une rivière aux eaux vertes qui cascadaient vers les vallées. Et la locomotive pendant ce temps faisait incessamment : tchou ! tchou ! tchou !…