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hobo d’occasion

le train de fret atteignait Banff. L’espace d’une seconde, le jeune homme put apercevoir au bout d’une allée le somptueux hôtel. Le long de la voie se dressaient des poteaux, et des flèches indiquaient le nom des montagnes et leur altitude : 9,000 pieds, 10,000, 11,000… Puis, le train dut céder le pas à des convois de voyageurs ; trois qui allaient vers l’ouest, trois vers l’est. L’admiration de Louis se partagea alors entre la beauté du paysage et la joie, toujours neuve et forte pour lui, de regarder filer un train énorme.

Quand ensuite les locomotives reprirent leur ascension, il fit tout à coup si cruellement froid que le moral du hobo improvisé dégringola comme un ascenseur dont la chaîne se brise. L’horizon se faisait menaçant et l’immense V dessiné par les montagnes qui enfermaient l’étroit passage était d’un noir de mine. Une distraction géographique occupa malgré tout l’esprit du jeune hobo ; le train passait Stephen — 120 milles de Calgary. C’était ici le partage des eaux, avec ce ruisseau qui se divise en deux, une partie allant à l’Atlantique, l’autre au Pacifique. Mais justement, le ciel s’ouvrit, il se mit à grêler avec une violence inouïe ; des grêlons gros comme des « marbres », et en un clin d’œil tout fut couvert de ces dures boules blanches qui tapaient brutalement sur le « char-observatoire » cessant subitement d’être idéal, dans des circonstances pareilles.

Heureusement, aussi brusquement qu’elle avait commencé, la chute des grêlons cessa, mais il pleuvait encore et, une dizaine de minutes plus tard, la grêle reprit de plus belle.