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enthousiasme

tant comme un roi. Il enroula à la fin autour des roues, deux bouts de vieux tuyau d’arrosage. Sa fête survenant à point, son père, sa mère, et les aînés attendris se cotisèrent et lui offrirent deux chambres à air et deux pneus. La bicyclette redevint à peu près normale. Elle servit pour les commissions. Le père l’améliorait dans ses loisirs. Même les freins finirent par fonctionner. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, ce fut vers ce temps que Pierrot trouva son Poilu, et que pour le dédommager du sacrifice de ses souris, sa mère lui permit de le garder.

La famille n’était pas riche. Mais la famille passait l’été à la campagne, près de Terrebonne, dans une vieille maison au bord de la rivière. La mère avait son idée. On était en avril. Après deux mois, on partirait et, à l’automne, sous un prétexte quelconque, on laisserait Poilu au fermier voisin.

En attendant, ce Poilu ajoutait à la joie de la maison. Il faisait des finesses, mon Dieu, autant qu’en faisait le bébé en personne ! Il reconnaissait toute la famille d’une façon différente, mais il ne suivait que Pierrot, qui gagnait d’ailleurs la viande du chien à la sueur de son front, en faisant des courses sur sa bécane pour leur boucher. De temps en temps, Pierrot se hâtait de disparaître avec son Poilu, parce qu’un agent de police paraissait à l’horizon et que l’on n’avait pas acheté de licence, pour cet enfant trouvé ajouté à une famille déjà si nombreuse !

Poilu vivait donc sans médaille et sans collier. Mais il vivait adoré, heureux et gai, et il n’en