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enthousiasme

des ordres très précis pour le jardin. Il y aurait beaucoup de fraises. Mais ce qui était mieux que tout, c’est qu’elle avait trouvé une vache, et une belle. C’était une petite jersey café au lait, avec un beau cœur blanc sur le front, des yeux et des cils enviables, vraiment, et si fine d’allure que Marie l’avait tout de suite baptisée Mousseline.

Mousseline l’attendrait, comme nos maisons, jusqu’en juin. Mais après, quelle bénédiction ! Nous aurions du beau lait gras et frais et de la crème tous les jours. Il fut bien entendu que je serais la première servie, mais notre unique voisine aurait aussi sa part. Nul cheval maigre ne traînerait plus, sur notre petite route, une voiture cahotant des bouteilles.

C’était une question réglée. Pour pacage, Mousseline aurait à elle seule les longs arpents touffus qui allaient de chez nous au pont et qui appartenaient à Marie. De quoi engraisser, sûrement !

Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes.

J’arrivai à la campagne la première. Je ne retins pas les bons offices du laitier qui avait remplacé notre vieil Irlandais. Je m’enquis aux premières maisons du village pour obtenir pendant quelques jours un peu de lait chaque matin. À bicyclette, j’irais le prendre en allant chercher le courrier. Un jour sur deux, nous en manquions, mais ce n’était rien. Nous vivions d’espérance. Dans une semaine, Mousseline serait là, et Mousseline était garantie, Mousseline devait donner beaucoup de lait.