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enthousiasme

réelle ! Et cet homme lui paraissait un héros extraordinaire : il venait d’être victime d’un accident d’auto, il était en convalescence prolongée pour s’habituer à marcher avec une jambe de liège. Henriette était débordante de commisération et d’amour secret. Il faut dire qu’il avait une belle figure, des yeux très noirs, un nez droit, et un air désabusé qu’elle rêvait, — toujours à cause des romans de Delly, — de guérir !

Il semble bien habitué à boiter, maintenant, mais que son expression est étrange. Il n’inspire pas confiance. Qu’il est chic, pourtant, une vraie carte de mode, comme on dit. Sa bouche est ironique. Bon, il passe et ne voit pas Henriette. Tant mieux. Elle n’aurait pas su quoi lui dire. Il salue quelqu’un et elle remarque qu’il n’a souri que d’un coin de la bouche. Tiens, c’est la jeune fille blonde qu’il connaît, c’est à elle qu’il va parler.

Il reste debout. La jeune fille est assise. Quelqu’un descend, et quand il prend la place libre, il a Henriette en face de lui et il la reconnaît. Cette fois, il sourit des deux coins de la bouche, et elle est flattée. Après tout, elle n’était qu’une enfant lorsqu’il l’a vue pour la dernière fois. Il aurait bien pu ne plus se souvenir.

Elle n’a pas le loisir d’en penser plus long, il traverse l’allée, amène avec lui la jeune fille blonde, la présente :

— Mademoiselle Marie Desjardins, Henriette Dussault.

— Marie Desjardins ? Alors, avez-vous un frère qui s’appelle Louis ?

— Mais oui. Vous le connaissez ?