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LA MONTAGNE D’HIVER

ment des examens ; pour étudier, elle serait beaucoup plus tranquille chez toi…

— Remercie Léon de sa sollicitude. Mais je préfère rester seule. Il faut que je m’y habitue. Je ne puis pas emprunter à l’année les enfants des autres.

Madeleine se mordit les lèvres. La fin de sa phrase trahissait son aigreur.

— Tu t’habitueras plus tard.

Madeleine ne répondit pas, car elle savait au fond, qu’il était malsain de contempler sans cesse en elle, l’image obsédante de Jean défiguré. Si, au moins, elle avait pu conserver dans son souvenir, un visage paré du mystérieux sourire des morts, ce sourire heureux qui empêchait de douter de la paix et du bonheur éternels.

C’était la bouche de Jean qui avait été déformée. La blessure à la tête, qui l’avait tué instantanément, n’était pas visible. Mais cette coupure à la lèvre le rendait si terriblement triste. La jeune femme ne pouvait plus évoquer la figure de son mari autrement qu’avec ce pli cruel.

Hélène revenait à la charge. Sa jeune sœur ne consentait pas à l’approuver :

— Pensons à me vêtir d’abord convenablement. Une chose à la fois. Nous changerons ma vie ensuite.


L’animation, la beauté des étalages, — qui annonçaient prématurément l’approche des Fêtes, — un grand déploiement de luxe, d’images, arrachèrent les deux femmes à leurs pensées inquiètes. Madeleine intéressée malgré elle, cessa momentanément de repousser l’avenir. Des mannequins reproduisaient les traits des heureux du monde : de ceux qui quitteraient notre climat glacial pour la douceur des mers du sud. Madeleine ne pouvait pas s’empêcher d’admirer leur élégance. Le sud, pourtant, ne