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LA MONTAGNE D’HIVER

cèdres, et parfois, d’un massif de saules à la chevelure d’un jaune étrange.

Madeleine s’était redressée, curieuse, et sans remarquer son changement d’attitude. Déjà, de la beauté des montagnes, émanait une subtile douceur de vivre. De leurs longues échines, les Escarpements barraient de plus en plus haut le ciel incroyablement pur. Leur surface éblouissante se marquait, tantôt des triangles verts des résineux, tantôt d’une claire-voie de troncs d’arbres, dont les ramures se dessinaient en noirs filigranes sur un fond de neige, ou sur l’indicible bleu de l’horizon.

Le contrôleur repassait pour reprendre le billet glissé dans la rainure du store. Madeleine était au terme du voyage. Le train ralentissait encore. Elle prit son sac, se leva, sans s’étonner d’en avoir la force, elle qui s’était auparavant sentie si lasse.

Sur le quai, la pureté de l’air la saisit. Cinq ou six taxis attendaient. Elle était seule à descendre. Sa sensibilité maladive reparut. Elle fut un instant torturée d’avoir à choisir une voiture plutôt qu’une autre. Pendant que le chauffeur, qui s’était avancé le plus vivement, allait réclamer ses valises, elle demeura debout, humant l’odeur de l’hiver. Que tout ici différait de la grande ville pourtant si proche.

Le taxi s’engagea dans un chemin étroit qui serpentait, traversait le boulevard laurentien, puis montait jusqu’en haut d’une côte énorme. La rue principale s’amorçait là. Mais la voiture la quitta bientôt, tourna à droite, grimpa de nouveau, pour s’arrêter devant une maison de style canadien qui dominait Les Escarpements.

La porte s’ouvrit, Louise Janson parut sur le perron.

— Tu ne m’avais pas dit si tu venais en autocar ou en train. Pardonne-moi de ne pas être allée à ta rencontre…

— C’était voulu. Pour ne pas vous déranger. Ah ! que votre pays est beau !