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LA MONTAGNE D’HIVER

fois. Je tiens à ma paix. Je n’ai pas besoin de faire fortune. Ici, on économise même sans le vouloir et j’ai toujours assez d’argent. À Montréal, je l’éparpillais sans m’en rendre compte avec mon temps. Tout de même, j’aime bien Montréal à mes heures ! Parfois, je lâche tout et je monte dans l’autocar avec l’intention de passer en ville une bonne semaine, dans la foule, dans les magasins. La ville exerce sur moi une espèce de fascination. La rue Sainte-Catherine par exemple, à la veillée, avec toutes ses lumières, elle m’émerveille et m’intrigue. Et la Place entre le Windsor et la cathédrale ; le gratte-ciel, au fond, les lignes de tous les édifices revêtent dans la nuit une beauté particulière. Montréal, c’est Montréal, malgré toutes les critiques. Je ne dirai pas que les tendances actuelles, à la fois américaines et parisiennes, ne m’affolent pas un peu ! Mais je reste convaincue que le bien l’emporte sur le mal… Ouf ! que je parle. Tu ne me connaissais pas ainsi ? Ne t’effraie pas. C’est passager. Quand il m’arrive quelqu’un, je suis loquace pendant quelques heures. C’est une réaction à mes silences prolongés. Ma langue n’a pas toujours suffisamment d’exercice. Ah ! Il faut entrer ici.

Au-dessus de la porte peinte en rouge, Madeleine lut l’enseigne : BOULANGERIE. Les maisons blanches étaient brillantes de propreté et, à côté d’un hangar, deux pins très hauts, agitaient dans le vent et le soleil, d’immenses rameaux.

Le seuil franchi, une bonne odeur les accueillit :

— Eh ! bien, demanda Louise, qu’est-ce que vous avez de chaud ce matin ?

— Hélas, Mademoiselle, en ce moment, rien que le four !

En bonnet et en tablier, une longue palette de bois au bout du bras, le boulanger s’affairait justement à le remplir