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LA MONTAGNE D’HIVER

— Si l’on continuait ? J’aimerais parcourir un bout du boulevard laurentien à pied.

— Il nous faudra tout de même revenir… À moins que…

— À moins que ?

— Eh bien, si tu te sens tellement en forme, nous pourrions continuer jusqu’à Mont Rolland. Et rentrer chez nous par le train de cinq heures. Ça coûte dix cents ! Par hasard, j’ai un peu d’argent dans un petit porte-monnaie que je traîne toujours dans ma poche. Ce sera une aventure.

Ce fut une petite aventure. Si bien que la dernière montée parut assez rude. Madeleine décida, au beau milieu, d’essayer de l’auto-stop. Mais l’auto-stop, lorsque les voitures ont peur de perdre leur élan, ce n’est guère fameux. Elles durent bon gré, mal gré, continuer à marcher. Rebrousser chemin, il n’en était plus question. Le retour aurait été plus long, que ce qui leur restait à faire pour atteindre la station.

Elles riaient, heureuses même de leur fatigue et du froid qui commençait à les faire souffrir. Elles se penchèrent enfin au-dessus de la Rivière du Nord, où près de la fabrique de papier, l’eau noire et bouillonnante contournait d’énormes roches glacées. Le soleil avait tout à fait disparu. Les lueurs qui coloraient encore le ciel ne se miraient pas dans le courant des rapides encaissés entre les collines. Le bruit des chutes saisissait, dans le silence glacial.

Elles se hâtèrent et atteignirent un restaurant sans élégance mais bien chauffé. Elles purent enfin s’asseoir et s’avouer que, malgré leurs bottes bien fourrées, elles avaient les pieds gelés. La bonne chaleur les pénétra. De l’effort qu’elles venaient de fournir, naquit un contentement de plus en plus grand. C’était difficile à analyser.