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LA MONTAGNE D’HIVER

— Pourquoi se sent-on de si bonne humeur après une prouesse ? Car nous venons d’en accomplir une, n’est-ce pas ? Je suis contente comme si j’avais gagné un championnat, dit Madeleine.

— Moi aussi.

— Vous, c’est normal. Mais moi…

— Toi ? C’est normal quand même ! Je voudrais bien que le médecin qui désespérait de toi il y a quinze jours, puisse te voir en ce moment.

Après le trajet de dix minutes dans le train, elles descendaient sur le quai où, peu de temps auparavant, Madeleine s’était sentie si désorientée.

C’était Louise qui, cette fois, choisissait le taxi. Et tous les chauffeurs avaient maintenant pour Madeleine des visages connus.

Ces longues promenades à deux n’étaient pas des fêtes de tous les jours. Louise abandonnait souvent la jeune femme à elle-même. La période des vacances approchait. Les paying guest seraient bientôt là. Madeleine devinait aussi que Louise se dérobait par délicatesse, pour ne pas trop lui imposer sa présence. Elle ne parlait pas non plus autant que les premiers jours, lorsqu’elles étaient ensemble. Mais il lui arrivait fréquemment de s’exclamer :

— Pourvu que la neige tombe enfin sérieusement !

Madeleine souriait :

— Ah ! la femme heureuse qui exprime un souhait.

Ce souhait était actuellement celui de tout le monde. Les Escarpements attendaient la neige ; et avec une impatience unanime chez tous ses habitants. La neige, c’était la vie même du village. Il y en avait assez pour blanchir le paysage, mais pas assez pour le ski. Les pensions demeuraient vides. L’électricien, pour la froide saison, cessait