Page:Le Normand - La Montagne d'hiver, 1961.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LA MONTAGNE D’HIVER

je ne me trompe pas, et tu pourras enfin étrenner ton costume. En attendant, montons dormir, pour que cette joie nous arrive plus vite !

Louise s’approcha du feu, pour repousser une bûche qui n’était qu’à demi consumée, et pour mieux assujettir la grille. Les braises jetèrent un nouvel éclat. Le salon était si beau avec ce feu mourant, que Madeleine eut l’impression qu’en le quittant tout de suite, quelque chose lui échapperait. Les flammes ravivées se reflétaient sur la surface sombre des vitres brillantes ; elles semblaient se mêler au nuage des flocons du dehors, et elles augmentaient le bonheur de la pièce. Aller dormir ne la tentait plus. Ou bien, elle aurait voulu dormir devant l’âtre, sur le divan.

Louise se moqua :

— Pour dormir, on ferme les yeux. Tu ne verras plus rien. Donc, mieux vaut monter dans ton lit bien douillet.

— Mais on est si bien, si bien en ce moment, dans votre beau salon. Restons-y au moins encore un peu ? dans cette obscurité qui n’est pas obscure, que les fenêtres blanchissent même ? Restons assises par terre, là, à ne rien dire, tant que les flammes voudront bien danser pour nous !

— C’est vrai que ce feu est de plus en plus merveilleux…

— Restons un peu, Louise, un tout petit peu. Grâce à vous, grâce à ce salon, je me sens heureuse pour la première fois depuis tant de semaines. Je me sens bien. J’ai encore mon malheur sur les épaules. J’ai encore mon impression de mains vides. Je ne sais plus ce que je deviendrai quand vous ne voudrez plus de moi. Je ne veux pas aller habiter chez Hélène, je n’ai pas assez de santé pour travailler, je suis donc toujours désespérée de la vie qui s’allongera difficile, c’est entendu. Mais malgré tout, ce