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LA MONTAGNE D’HIVER

comptait plus, à part le soleil, l’air, la moelleuse qualité du champ, et l’élan, la magnificence de ce monde vers l’éternité duquel le temps la conduirait un jour.

Penser que tant de jeunes, et de moins jeunes, cherchaient avidement leur joie dans des salles enfumées et sombres, où des chanteurs et des chanteuses souvent sans voix, disaient de folles paroles d’amour qui s’achevaient dans une fausse extase, ou dans un désespoir noyé d’alcool !

Que Dieu avait été bon pour elle, en lui donnant le mépris de pareilles consolations. Elle glissait, glissait de plus en plus contente, et lorsqu’elle rentrait pour le repas, elle était transfigurée et ne désirait qu’une chose : se reposer un peu et retourner vite vers l’ensorceleuse montagne.

L’après-midi, Louise l’accompagnait et la guidait, dans les pistes qui sillonnaient les champs et les forêts des alentours. Les nombreux skieurs des fins de semaine, durcissaient trop les pentes et il fallait espérer une nouvelle tempête, pour les remettre à point. Il était alors plus agréable de skier à travers la vallée. Des pistes montaient et descendaient avec imprévu, conduisant vers quelque ruisseau murmurant que le froid n’avait pas figé, ou jusqu’au bord accidenté de la rivière Simon.

Une félicité toute neuve, avec la venue de la neige, s’était emparée du village. Le climat serait désormais celui des vacances. Des carrioles passaient et repassaient, promenant des touristes emmitouflés. Les grelots des attelages éparpillaient comme un rire, leurs notes cristallines. En file indienne, des skieurs et des skieuses suivaient le bord des rues. Enfants, adultes, vieillards même, tendaient au vent des figures émerveillées. Même enthousiasme, même entrain, mêmes yeux brillants, mêmes joues rouges.

« Et ce sont les plus fanés des visages qui expriment le plus intensément leur joie. Avoir derrière soi l’expérience de la douleur, et se sentir subitement rajeuni, délivré par