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LA MONTAGNE D’HIVER

cette clarté, cette ardeur qui émane du paysage. Les plus âgés ne courent plus vers l’avenir, ils peuvent profiter du temps présent. Me voici comme eux, comme Louise… » se disait Madeleine.

L’effet des mouvements rythmés agissait aussi. La fatigue saine chassait les ennuis, l’irritation. Elle se souvenait d’une réflexion de son neveu, un jour d’été. Aux moments les plus imprévus, il quittait tout pour aller nager. Et par n’importe quelle température, malgré le vent froid, l’eau glacée. Où puisait-il tant de courage ?

— Je vais te dire, ma tante. Quand je me sens tanné, mécontent, je connais le remède. Je vais plonger et je reviens heureux comme un prince. Cherche pourquoi. Il est vrai que j’aime beaucoup la natation.

Pour Madeleine, le ski confirmait l’efficacité du remède. Lorsque Louise et elle gravissaient une piste à travers la montagne, sous un ciel d’un bleu parfait et parmi les arbres brillants de givre, Madeleine s’exclamait qu’elle ne souhaitait rien de mieux pour son ciel.

— Petite païenne, reprenait gentiment Louise. Le ciel, le vrai, il nous offrira d’autres délices. Ceci n’est qu’un échantillon de l’Éternelle Fête…

Continuant la route, Louise méditait sur cette Éternelle Fête. Nous ne serions plus des insatisfaits, tournés avec nostalgie vers un passé qui n’avait pas été exempt de tracas, pas plus que ne l’était notre présent. Nous ne serions plus victimes de nos humeurs changeantes, de nos injustices et de celles des autres. Nous ne serions plus la proie de nos chagrins réels et de ceux que nous inventions à peu près sans cause. Nous n’aurions plus jamais le cœur serré d’une inexplicable angoisse, d’un manque indéfinissable, avec nos larmes prêtes à couler, même au milieu de tant de nos rêves réalisés. L’Éternelle Fête ! Si un