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LA MONTAGNE D’HIVER

partout dans la ville, depuis que tant d’émigrants s’y établissaient.

Ainsi occupée, Madeleine ne revit personne en dehors du cercle de famille.

Une journée pareille à celle qui avait marqué son départ, marqua son retour aux Escarpements. Sauf qu’on s’empila dans la petite voiture pour pouvoir amener les trois enfants. La joie du ski partagée augmentait l’amitié des neveux pour la tante qu’auparavant ils croyaient déjà vieille !

Tout avait son utilité. Madeleine ne redoutait plus l’avenir, d’avance elle ne l’envisageait plus comme une charge trop lourde pour ses épaules. Il lui fallait se rendre à l’évidence. Nul désespoir n’était durable. La vie continuait avec ses joies et ses regrets bien dosés. À son insu, la philosophie religieuse de son hôtesse la pénétrait. Madeleine accompagnait maintenant Louise presque chaque matin à la messe. Elle savourait elle aussi, la marche matinale, malgré l’obscurité totale, lorsqu’elles quittaient la maison avant sept heures.

Elles étaient aguerries et ne souffraient plus de la rigueur du froid. La rue descendait blanche sous le ciel sombre. Dans le raccourci qu’elles prenaient derrière le couvent, souvent défilaient devant elles les religieuses, l’une derrière l’autre, s’acheminant vers l’église entre deux hauts bancs de neige. Dans l’aube qui devenait graduellement laiteuse, ces silhouettes enveloppées de châles noirs, penchées pour repousser le vent, composaient un véritable tableau qui, chaque fois, émouvait l’impressionnable Madeleine.

À fréquenter l’église tous les matins, elle découvrait les savoureux mystères de la liturgie. Le « propre du temps », c’était la lettre quotidienne du bon Dieu à ses