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LA MONTAGNE D’HIVER

est attachée à ses amis, dévouée… et si reconnaissante pour la moindre preuve d’amitié qu’ils lui donnent. En somme, c’est une personnalité beaucoup trop riche pour être définie par des mots. Tu en jugeras toi-même dans quelques jours.

Louise se tut. Sa pensée demeurait avec Maryse. Si celle-ci venait aux Escarpements, c’était pour se remettre d’une maladie à la fois morale et physique. Par discrétion, Louise ne voulait rien révéler. Pourtant, elle aurait parié qu’aussitôt arrivée, Maryse raconterait sa vie et sa dernière épreuve, mais avec l’air de s’en moquer. Elle répéterait en riant, les réflexions qu’elle avait faites à son médecin déconcerté, pendant qu’il lui annonçait la mort à brève échéance, — si elle ne changeait pas sa manière de vivre. Mener de front mondanités nocturnes et travail matinal, la contraignait à des fatigues inouïes. Ses heures de sommeil écourtées lui enlevaient tout moyen de récupérer les forces perdues. Elle devait abandonner son poste de secrétaire. Mais voilà : la fortune de sa mère avait beau être assez considérable, il fallait trop d’argent à Maryse pour ses goûts extravagants, ses caprices qui dévoilaient une ignorance absolue de la valeur de l’argent.

Dans une de ses admirables lettres, Maryse avait avoué à Louise que la joie fidèle de ses matins de jeunesse avait cédé la place à une angoisse, également fidèle, qui l’attendait toujours à son réveil. Une angoisse qui troublait même son sommeil de rêves bizarres. Elle décrivait tout cela avec cette lucidité qui la caractérisait, mais dont elle n’écoutait pas souvent la voix.

— Louise, Louise, j’ai gâché ma vie, j’ai gâché ma vie !

Venait-elle de découvrir que le monde qu’elle avait adoré, lui laissait le cœur et les mains vides ? Elle n’avait