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LA MONTAGNE D’HIVER

— La solitude, c’est le partage de tout être humain, la solitude intérieure, du moins. Sauf à de très brefs moments. Tu le sais. Tu as aimé, tu as été mariée. Tout le temps, au plus profond de toi-même, avoue qu’il y a eu la fidèle présence de la solitude…

— Oui.

— Alors, tu vois ? Il faut d’abord prendre son parti d’une certaine solitude, du secret permanent de l’âme. Mais pour le reste, pour les joies, il faut garder l’espoir. Tu ne peux jamais deviner les imprévus heureux, dans cette vie que tu imagines à jamais brisée. Et puis, les évidentes interventions de la Providence. Crois-tu à cette Providence, « toujours levée avant le soleil » ?

— Comment ne pas y croire, avec Louise Janson comme monitrice depuis deux mois ?

— Tiens, c’est peut-être le bon moment de te raconter mon miracle !


L’heure était bien choisie. Elles étaient allongées dans les fauteuils de la terrasse. Le soleil poudrait d’étincelles multicolores le blanc paysage. Tout était immobile et calme, et la douceur de cette journée d’hiver, inimaginable. Le matin, le thermomètre avait marqué zéro. À l’abri du vent, il atteignait présentement soixante et dix. L’odeur de la neige et cette chaleur de l’air pur, composaient une espèce de nectar. Rien qu’à le respirer, on pouvait croire au miracle !

— Racontez, racontez vite… Voilà assez longtemps que cette histoire m’intrigue.

— Et mieux vaut te faire ce récit avant que Maryse soit là pour l’écouter. Ce sont des faits semblables qui suscitent sa moquerie. Elle dirait que je vois les habitants du ciel partout autour de moi ! Ce que j’appelle mon miracle, est survenu à une heure où comme toi, présentement,