Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/274

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A cet autre, elle donne en folâtrant, sans doute,
Les adorables noms dont elle me comblait…
— Pèlerine d’amour, elle a changé de route
Et non de chapelet. —

Tu te souviens aussi, n’est-ce pas des disputes
Qui venaient quelquefois troubler notre horizon. —
— Marbre, comprenais-tu mieux qu’elle, dans ces luttes,
Tout ce que je souffrais en me sentant raison ?

Mieux qu’elle as-tu compris de combien d’indulgence
Était doublé l’amour dont mon cœur s’enivrait ? —
— Ai-je assez accusé son inexpérience ?
Preuve en main, — ai-je assez crié : — Ce n’est pas vrai !

Ai-je assez imploré quand j’aurais dû maudire ?…
Me suis-je assez souvent à ses genoux plié,
Lui demandant pardon pour avoir osé lire
Quelque billet d’amour sur ma table oublié…

Ai-je assez souvent dit : — meurtri de ses offenses,
Recommençons à vivre à partir de ce jour.
Taisez-vous, souvenirs, renaissez, espérances,
Sois éternel, amour !…

C’était lâche… — Pourtant je trouvais en moi-même,
Je ne sais quel triomphe à cet abaissement. —
Qui n’a jamais senti la volupté suprême
De pouvoir être juste et de rester clément ?

Mais un jour l’amitié, ce compagnon austère,
Ce fidèle gardien de notre dignité,
Rougissant de ma honte et ne pouvant se taire,
Comme un gant, à mes pieds, jeta la vérité.