Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/280

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ENNUI


Je sais que toute joie est une illusion,
Qu’il faut que tout se paye et que tout se compense,
Et je devrais bénir la dure providence
Qui m’impose l’épreuve ou l’expiation.

Les stériles regrets, la menteuse espérance
N’atteignent pas la pure et calme région
Où le sage s’endort, libre de passion,
Dans la sereine paix de son intelligence,

Je le sais ; mais je garde au cœur le souvenir
D’un rêve éblouissant, qui ne peut revenir
Ni dans ce monde-ci, ni dans l’autre : personne,

Ange, Démon ou Dieu, n’y peut rien ; j’ai perdu
Un bonheur bien plus grand que ceux que le ciel donne,
Et ce bonheur jamais ne me sera rendu.


LOUIS MÉNARD




LE LYS


Hors du coffret de laque aux clous d’argent, parmi
Les fleurs du tapis jaune aux nuances calmées,
Le lourd collier massif qu’agrafent deux camées
Ruisselle et se répand sur la table à demi.

Un oblique rayon l’atteint. L’or a frémi.
L’étincelle s’attache aux perles parsemées,
Et midi darde moins de flèches enflammées
Sur le dos somptueux d’un reptile endormi.