Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/32

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De l’épaule de marbre au sein nu, ferme et blanc,
Tiède et souple abondait sa chevelure brune ;
Et son visage clair luisait comme la lune,
Et ses lèvres vibraient d’un rire étincelant.

Elle chantait. La nuit s’emplissait d’harmonies ;
Les grands lions errants rugissaient de plaisir ;
Les hommes accouraient sous le fouet du désir ;
Tels que des meurtriers devant les Erinnyes :

— Moi, l’illustre Ekhidna, fille de Khrysaor,
Jeune et vierge, je vous convie, ô jeunes hommes !
Car ma joue a l’éclat pourpré des belles pommes,
Et dans mes noirs cheveux nagent des lueurs d’or.

Heureux qui j’aimerai, mais plus heureux qui m’aime !
Jamais l’amer souci ne brûlera son cœur ;
Et je l’abreuverai de l’ardente liqueur
Qui fait l’homme semblable au Kronide lui-même.

Bienheureux celui-là parmi tous les vivants !
L’incorruptible sang coulera dans ses veines ;
Il se réveillera sur les cimes sereines
Où sont les Dieux, plus haut que la neige et les vents.

Et je l’inonderai de voluptés sans nombre,
Vives comme un éclair qui durerait toujours !
Dans un baiser sans fin je bercerai ses jours
Et mes yeux de ses nuits feront resplendir l’ombre.

Elle chantait ainsi, sûre de sa beauté,
L’implacable déesse aux splendides prunelles,
Tandis que du grand sein les formes immortelles
Cachaient le seuil étroit de l’antre ensanglanté.