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THÉBAÏDE


Quand notre dernier rêve est à jamais parti,
Il est une heure dure à traverser : c’est l’heure
Où ceux pour qui la vie est mauvaise ont senti
Qu’il faut bien qu’à son tour chaque illusion meure.

Ils se disent alors que la part la meilleure
Est la part de l’ascète au cœur anéanti ;
Ils cherchent au désert la paix intérieure,
Mais cette fois encor l’espérance a menti.

J’ai voulu vivre ainsi, sans amour et sans haine,
Et j’ai fermé mon âme au désir, qui n’amène
Que le regret, souvent le remords, après lui :

Mais je ne trouve, au lieu de la béatitude,
Au lieu du ciel rêvé dans l’âpre solitude,
Que la morne impuissance et l’incurable ennui.




ALASTOR


Le découragement, la fatigue et l’ennui
Me saisissent, devant l’implacable puissance
Des choses ; loi, destin, hasard ou providence,
Quelqu’un m’écrase, et moi, je ne puis rien sur lui.

Peut-être les démons de ceux à qui j’ai nui
Autrefois, quelque part, dans une autre existence,
Invisibles dans l’air, m’entourent en silence,
Et du mal que j’ai fait se vengent aujourd’hui.