Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/42

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Elle est évanouie à jamais la candeur
Qui fait que l’on s’éprend d’un petit air boudeur
Qui n’est bien qu’à travers le voile,
Et qu’on n’a pas de mots assez ambitieux
Pour dire à ses amis qu’elle a de jolis yeux
Couleur de bleuet et d’étoile.

Et c’est la fin. Mon cœur, quitté des anciens vœux,
Ne saura plus le charme infini des aveux
Et ce bonheur qui vous inonde
Parce qu’un soir de mai, dans les bois, à Meudon,
Sur votre épaule, avec un geste d’abandon,
Elle a posé sa tête blonde.

Et pourtant j’ai connu tout cela, j’ai connu
Même ces doux projets de bonheur ingénu
Dont l’âme si bien s’accommode :
L’hiver, le coin du feu, la chambre aux sourds tapis,
Et, dans un frais berceau, deux enfants assoupis
Auprès de leur mère qui brode.

Mais cet espoir hélas ! d’un avenir doré,
Ces apparitions, ces rêves ont duré
Le temps d’une aube boréale,
Et mon esprit partit aux pays fabuleux
Où l’on pense cueillir les camélias bleus
Et trouver l’amour idéale.

Là, j’ai beaucoup souffert, et j’en reviens meurtri.
En d’indignes plaisirs à jamais j’ai flétri
Les saintes blancheurs de mon âme.
Je reviens du rivage où j’avais émigré,
Et j’ai le front très-pâle, et cependant malgré
Ce que j’ai souffert par la femme,