Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/55

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Et, sur la houle énorme au lamentable bruit,
Comme un vaste étendard que la tempête arbore,
Palpite l’épouvante obscure de la nuit.

Oh ! que d’âges suivis de tant d’âges encore
Traverseront l’effroi du gouffre illimité,
Sans souvenir de jour et sans espoir d’aurore !

Hors du nombre, des lieux et de la qualité,
L’Être unique et total s’est abîmé soi-même
Dans l’informe infini de sa propre entité.

Tel se concentre et gît parmi la cendre blême
Le Feu rassasié des mystiques repas,
Tel se recueille, oisif, le Principe suprême.

Sous la forme du Temps, il est ce qui n’est pas.
Sa présence a son lieu dans toutes les absences
Et son réveil latent dort dans tous les trépas.

L’angoisse des espoirs et des réminiscences
Meurt au fond du Tîrtha sans rivage et stagnant
Fait du fleuve dompté des tristes renaissances ;

Et chaque âge divin se déroule, enchaînant
A d’innombrables nuits sa nuit démesurée,
Sans vaincre ce repos immense et permanent.

Mais enfin, du constant effort de la durée,
L’Amour est né. Bientôt, mystérieux ferment,
Sourdra la Force au sein de l’être demeurée.

Par le Temps qui s’amasse accrue infiniment,
La Passion pénètre en tout ce qui repose,
Avec un convulsif et chaud frémissement.