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PAUL VERLAINE

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LES VAINCUS


La Vie est triomphante & l’idéal est mort !
Et voilà que, criant sa joie au vent qui passe,
Le cheval enivré du vainqueur broie & mord
Nos frères, qui du moins tombèrent avec grâce.

Et nous, que la déroute a fait survivre, hélas !
Les pieds meurtris, les yeux baissés, la tête lourde,
Saignants, veules, fangeux, déshonorés & las,
Nous allons, étouffant mal une plainte sourde.

Nous allons, au hasard du soir & du chemin,
Comme les meurtriers & comme les infâmes,
Veufs, orphelins, sans fils, ni toit, ni lendemain,
Aux lueurs des forêts familières en flammes.

Ah ! puisque cette fois l’heure a sonné, qu’enfin
L’espoir est aboli, la défaite certaine,