Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Chez Jefferson and Co, dont le coton, par balles,
Gorge le Havre & Manchester,
On siffle le petit Africain Jupiter,
Un rejeton de cannibales !

Jupiter, négrillon vorace & somnolent,
Qui chérit l’éclat blanc du linge,
Un large éventail jaune entre ses doigts de singe,
S’avance d’un pas indolent.

Or, préférant, selon toutes les conjectures,
La cuisine à la véranda,
Il évente, rêveur, sa maîtresse Tilda,
En digérant des confitures.

Et, cependant qu’il suit de son gros œil d’émail
Les zigzags sans fin d’une mouche,
L’ivoire de ses dents brille au bord de sa bouche,
Entre deux croissants de corail.

Un jour discret emplit la véranda tranquille,
Filtré par les feuillages verts ;
Les stores de rotin au hasard entr’ouverts
Laissent passer des fleurs par mille.

Nul bruit. — L’éventail bat l’air tiède & parfumé
Avec un soupir monotone ;
Un griffon de Cuba, muet, se pelotonne
Ou s’étire, ingrat trop aimé !