Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/145

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Il ferme ainsi le bal habilement conduit ;
Et tous, porteurs de sceptre & traîneurs de rapière,
S’en sont allés dormir sans révolte & sans bruit.

Ils comptent bien qu’un jour le lévrier de pierre,
Sous leurs rigides pieds couché fidèlement,
Saura se réveiller & lécher leur paupière.

Ils savent que les noirs clairons du jugement,
Qu’on entendra sonner sur chaque sépulture,
Agiteront leurs os d’un grand tressaillement,

Et que la Mort stupide & la pâle Nature
Verront surgir alors sur les tombeaux ouverts
Le corps ressuscité de toute créature.

La chair des fils d’Adam sera reprise aux vers ;
La Mort mourra : la faim détruira l’affamée,
Lorsque l’éternité prendra tout l’univers.

Et, mêlés aux martyrs, belle & candide armée,
Les époux reverront, ceinte d’un nimbe d’or,
Dans les longs plis du lin passer la bien-aimée.

Mais les couples dont l’Ange aura brisé l’essor,
Sur la berge où le souffre ardent roule en grands fleuves,
Oui, ceux-là souffriront : donc ils vivront encor !