Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/305

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Car un matin, j’ai vu que ma chère amoureuse
Cachait un grand désastre en sa poitrine creuse.

J’ai vu que sa jeunesse était un faux dehors,
Que l’âme était usée & les doux rêves morts.

J’ai senti la stupeur d’un possesseur avide
Qui trouve, en s’éveillant, sa maison nue & vide.

J’ai cherché mes trésors. Tous volés ou brisés !
Tous, jusqu’au souvenir de nos premiers baisers !

Au jardin de l’espoir, l’âpre dévastatrice
N’a rien laissé, voulant que rien n’y refleurisse.

J’ai ramassé mon cœur, mi-rongé dans un coin,
Et je m’en suis allé je ne sais où, bien loin.

(Avec des rhythmes sourds j’endors ma rêverie,
Comme une mère fait de son enfant qui crie.)

C’est fièrement, d’abord, que je m’en suis allé,
Pensant qu’aux premiers froids, je serais consolé.

Simulant l’insouci, je marchais par les rues.
Toutes, nous les avions ensemble parcourues !

Je n’ai pas même osé fuir le mal dans les bois :
Nous nous y sommes tant embrassés autrefois !