Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/383

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Dans la foule effarée, au milieu des jurons,
Du tumulte, des cris, des appels à l’Alcade,
Ils débouchent. Le chef de cette cavalcade,
Qui, d’aspect arrogant & vêtu de brocart,
Tandis que son cheval fait un terrible écart,
Salue Alvar de Paz, qui devant lui se range,
En balayant la terre avec sa plume orange,
N’est autre que Fernan, l’aîné, le plus hautain
Des Pizarre, suivi de Juan, & de Martin
Qu’on dit d’Alcantara, leur frère par le ventre.
Briceno qui, depuis, se fit clerc & fut chantre
À Lima, n’étant pas très-habile écuyer,
Dans cette course folle a perdu l’étrier,
Et, voyant ses amis déjà loin, se dépêche
Et pique sa jument couleur de fleur de pêche.
Le brave Antonio galope à son côté ;
Il porte avec orgueil sa noble pauvreté,
Car, s’il a pour tout bien l’épée & la rondache,
Son cimier héraldique est ceint des feuilles d’ache
Qui couronnent l’écu des ducs de Carrion.

Ils passent, soulevant un poudreux tourbillon.

À leurs cris, un seigneur, de ceux de l’avant-garde,
S’arrête, &, retournant son cheval, les regarde.
Il monte un genêt blanc dont le caparaçon
Est rouge, & pour mieux voir se penche sur l’arçon.
C’est le futur vainqueur de Popayan. Sa taille
Est faite pour vêtir le harnois de bataille.