Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/221

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A travers votre azur dans l’insondable espace,
Hissé sur vos sommets, j’entrevis son séjour ;
Je n’ai pu, mot chétif, lui parler face à face,
Mais vous m’avez redit que son nom est Amour !

Et je l’ai si bien cru dans ma longue jeunesse,
Qu’à lui, qu’à son ouvrage, à mes frères humains,
Admirant, adorant, joyeux, épris sans cesse,
J’ai prodigué, partout, mon cœur à pleines mains.

Je voyais, d’un œil sûr, tomber les vieilles chaînes
Et l’antique douleur à jamais s’apaiser ;
Dans un horizon d’or, là-bas, au pied des chênes,
J’entendais retentir un immense baiser.

La sereine raison illuminait ces fêtes,
Baignant de sa clarté les fronts les plus épais :
Toutes les nations, doucement satisfaites,
Goûtaient dans leur sagesse une éternelle paix.

Comme sur vos grands lacs, un navire paisible
Glisse entre deux azurs, par un beau soir d’été,
Telle, à travers les temps, vers le port invisible,
Voguait, sous mes regards, la sainte humanité.

Elle arrivait… malgré quelque orage éphémère !
Et pour nous recevoir, sans nous séparer plus,
Je voyais grand ouvert le vaste sein du père…
Tous étaient appelés et tous étaient élus.