Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/242

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Mes lèvres ont baisé ton sol deux fois auguste
Où le sang du martyr fit la pourpre du juste.
O siége de Grégoire et d’Urbain ! saint autel
Qu’enveloppe d’amour le Mystère immortel,
Mes yeux ont contemplé ta beauté que j’adore,
De la Béatitude éblouissante aurore !
J’ai vu Celui par qui Dieu règle l’univers,
Qui hausse l’humble au ciel et dompte le pervers,
Qui frappe et qui guérit, qui lie et qui dénoue,
Qui renverse d’un mot dans l’opprobre et la boue
Et foule également de son talon d’airain
Les peuples trop rétifs et les rois durs au frein,
Et les audacieux enfiévrés d’insolence
Qui, pesant l’homme et Dieu dans la même balance,
Mettent l’Enfer qui brûle et qui hurle en oubli.
Mon cœur n’a point tremblé, mon œil n’a point faibli ;
Le Charbon prophétique a flambé sur ma bouche,
J’ai parlé, moi, le Moine, humble, inconnu, farouche,
Devant la majesté du Saint-Siége romain,
Pour le rachat d’hier et celui de demain.
Oui ! L’infaillible Esprit m’a fait jaillir de l’âme
La foi contagieuse en paroles de flamme,
Et le très-glorieux Pontife m’a commis,
Le soin de faire affront, Christ, à tes ennemis,
Et d’appliquer le feu sur toute chair malsaine.
Frères ! du Tibre au Rhône et du Rhône à la Seine,
J’ai couru, j’ai prêché, voici deux ans entiers,
Aux princes, aux barons, aux bourgeois, aux routiers,
L’extermination par Dieu même prescrite