Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/252

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LE LIERRE


Donnez la même tombe aux deux êtres aimés :
Qu’ils soient dans l’inconnu côte à côte enfermés !
Ramenez, s’il est loin, celui que l’autre pleure.
Un seul amour demande une seule demeure ;
Et c’est une souffrance à torturer un mort,
De ne point reposer au lit où l’autre dort !
La matière en révolte elle-même réclame ;
Le corps aspire au corps ainsi que l’âme à l’âme,
La nature est complice, et son tressaillement
Trahit l’obscur effort d’un double embrassement.

Était-ce un page ? Était-ce un chevalier ? Qu’importe !
Il était mort bien loin de sa maîtresse morte ;
Et chacun, sous la tombe étendu, jeune et beau,
Connut la solitude horrible du tombeau.

Or, dans le sol, pareille à quelque étrange lierre,
Une plante, au printemps, poussa contre la pierre
Sous laquelle dormait, seul et triste, l’amant ;
Et, tandis qu’un rameau l’entourait tendrement,
Un autre, s’écartant de la même racine,
Mystérieusement dans la mousse voisine