Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/273

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J’ai chaud ; je vois tes yeux pleins de ton âme franche ;
Et Snorro satisfait rit dans sa barbe blanche.

SNORRA.

Quand le pétrel se plaint dans l’espace endormi,
Parfois l’écho trompé croit qu’un homme a gémi.

SNORRO.

Levé d’orge et de miel, le suc brun de la baie
Fait que l’œil se rallume et que le cœur s’égaie ;
Je viderai vingt fois la tasse de bouleau !
L’antique hiver transmue en glace toute l’eau
Pour qu’aux liqueurs de feu l’homme garde ses lèvres.
Verse, femme ! le vin m’emplit de jeunes fièvres
Et son flot répandu brunit mes poils grisons.
On compte mal les ans dans le Nord sans saisons
Comme on voit peu les plis d’une mare dormante,
Et le sang n’est pas vieux qui dans mon cœur fermente !

SNORRA.

Tu t’abuses, vieillard glacé, dans la boisson.

SNORRO.

Le violent geyser couve sous un glaçon !

SNORRA.

L’âge a pétrifié l’eau vive et le bitume.

SNORRO.

Non, femme aux yeux plus chauds cent fois que de coutume !
Et sache qu’en buvant j’ai formé le dessein
De semer cette nuit ma race dans ton sein.