Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
AGNAR.

Tu peux voir l’homme mort si tu tournes la roche !

SNORRA.

J’ai vu l’homme vivant, tout à l’heure, et trop proche.

AGNAR.

Tu mens : je l’ai tué !

SNORRA.

Tu mens : je l’ai tué ! Ris, quand je te croirai.

AGNAR.

Tué ! tué ! — tiens, vois !

SNORRA.

Tué ! tué ! — tiens, vois ! Épouvante ! il dit vrai.

AGNAR.

Oh ! l’orbe atroce et plein qui dégorge un flot rouge !
Pour ne l’avoir point vu, vif encore et qui bouge,
Que n’as-tu, lâche Agnar, de tes doigts furieux,
Hors de leurs trous creusés fait jaillir tes deux yeux !

SNORRA.

Donc les morts sont vivants. La mort est une porte
Qui reste entre-bâillée afin que l’on ressorte.
Hache de l’assassin ! assaille l’homme, abats
Sa tête sur ses pieds, son bras après son bras,
Comme fait la cognée au sapin qu’elle émonde,
Que le tronc reste en haut, festin de l’aigle immonde,
Et que le crâne roule au fond du creux ravin,
Le mort, calme, se dresse après le meurtre vain,