Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/280

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Rattache ses deux bras, sans se hâter, rajuste
Sa tête, dans le val ramassée, à son buste,
Rentre au logis, d’un pas ni trop lent ni trop prompt,
Donne le gai bonsoir, baise sa femme au front,
Parle, écoute un récit dont il rit ou se fâche,
N’en fait point de l’abîme effrayant qui le lâche !
Et s’endort, souriant, les yeux clos à demi,
Comme s’il n’était pas pour toujours endormi !
L’étroit sépulcre même où le ver les travaille
Ne retient pas des morts la sourde relevaille.
L’être, sous les granits entassés, vains fardeaux
Que disjoint la poussée horrible de son dos,
Reprend son crâne aux rats, ses os à la belette,
Et rassemblant sa chair autour de son squelette,
Sans que l’odeur attire à son toit le corbeau,
Vient coucher dans son lit, étant las du tombeau !

AGNAR.

C’est une étrange foi qui succède à ton doute.

SNORRA.

Je parle à ce rusé cadavre qui m’écoute !
J’ai dit vrai, n’est-ce pas, vieux Snorro ? N’est-ce pas
Que le mari posthume a dormi dans mes bras,
Et qu’instruit dans la mort des trahisons vivantes,
Tu vins, homme ! vouant aux justes épouvantes
L’épouse instigatrice et l’amant égorgeur,
Dans mon ventre adultère enfanter ton vengeur !


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