Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/345

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Ce qui la fait songer, est de voir, par la vitre
Grillée, un coin d’azur où volent des oiseaux,
Quand, jeune et belle, à vivre ayant le même titre,
Elle est en proie au mal qui lui mine les os.

Ce qui la fait songer, est de se sentir frêle
Étant pauvre, d’avoir des faiblesses sans fin
Comme horizon, alors que le travail, pour elle,
Est chaque jour le seul abri contre la faim.

Et ce qui fait songer celui qui la regarde,
Est plus amer ; il voit le scalpel qui l’attend
Morte ; et, sauve, il la voit, vierge que rien ne garde,
Dans la glu de la vie en vain se débattant.

O vous tous qui cherchez les roses sur la terre,
Vous le rire et l’éclat, la force et le plaisir,
Il se peut que devant sa langueur solitaire
De l’aimer en passant il vous vienne un désir.

Mais si vous êtes fous, ardents, sans être lâches,
Vos pas s’écarteront de l’enfant sans appui
Qui, dans sa lutte avec la plus lourde des tâches,
N’aurait plus rien, la paix de son cœur ayant fui.

Il est des papillons, hochets d’or de la brise,
Dont le toucher détruit l’aile aux tons délicats.
En les voulant cueillir, il est des fleurs qu’on brise.
Cette enfant est de même. Oh ! ne la brisez pas !