Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/353

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Quand, par un soir très-clair de lune, un homme vieux,
Si gueux et haillonneux qu’on n’en peut voir de pire,
Entra dans le Château, tranquille. — Sans rien dire
Il s’assit gravement : et je vis que ses yeux
Cherchaient sur les murs nus les portraits des Aïeux.
Il dit « Où donc sont-ils ?… Ils sont avec les autres ! »
Alors comme un chrétien, qui dit ses patenôtres,
Il murmura tous bas qu’on l’avait laissé seul,
Demandant quelle main roulerait son linceul,
Et lui mettrait un doigt pieux sur la paupière.

— « Oh ! je me coucherai, seul et nu, sur la pierre,
Et ce sera la nuit, et les astres feront
Descendre en un baiser son âme sur mon front ;
Elle viendra chercher l’âme de son vieux père :
La prendra dans ses bras, comme fait une mère
De son enfant qui dort et sourit en dormant,
Et l’ira déposer devant Dieu, doucement ! »
Puis comme un idiot, il se mit à sourire,
Doux et les yeux fermés, tels que, dans leur martyre,
Bien heureux et remplis de Dieu présent, sont peints
Aux vitraux, Nosseigneurs les Anges et les Saints.

Or, ceci me déplut très-fort qu’un infidèle
Profanât sur ses traits l’image de leur zèle ;
Je m’approchai du vieux — que j’avais reconnu.
— « Çà, l’on n’est donc pas mort, et l’on est revenu,
— Lui dis-je en me signant — pour vexer de pratiques
Infernales, les bons serviteurs Catholiques,