Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/358

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Cria-t-il. « Ah ! pitié pour mes pauvres oreilles !
Qui donc, ici, s’apprête à des Noces Vermeilles,
Et va rentrer, joyeux, une main sur le flanc,
Guidant, du bout du doigt, l’Épousée au front blanc ?…
Ma fille, elle était belle, et de fleurs adornée
Comme une soleilleuse et fraîche matinée.
Et sa petite main devait, le lendemain,
Se poser, devant Dieu, dans une forte main,
Celle d’un bon soldat du Christ, sûre et fidèle.
Ils étaient là tous deux : lui, souriant, près d’elle,
D’un sourire où l’amant se mêlait à l’époux ;
Elle, le regardant d’un long regard très-doux,
Comme en ont, sous les bois pleins d’ombre, les gazelles !
Et moi, vieillard heureux, je lui rêvais des ailes
Candides, palpitant dans un air lumineux ;
Et son front, éclatant de l’or de ses cheveux,
Avait autour de lui des gloires d’auréole !
Et les harpes du ciel chantaient dans sa parole !
Quiconque eût vu ce couple, angélique et mortel,
Se fût agenouillé comme devant l’Autel,
Et, d’un œil presque humain, le Lion du Prophète
Sur leurs genoux unis aurait posé sa tête !
Mais Dieu ne laisse pas s’égarer dans les Chiens
L’âme des grands lions qu’il garde pour les Siens :
Il réserve à ceux-là, sur les pavés des rues,
Des pâtures de sang et de chairs toutes crues… »

« Ils sont entrés, alors, farouches et hurlants,
Et leurs poings, arrachant à plein mes cheveux blancs,