Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/411

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J’avais pour Éden ma petite chambre,
Gaie et grande comme une ruche à miel ;
Mai la faisait riche, et pauvre décembre,
J’étais, avec toi, déjà près du ciel.

O nature, ô joie ! Amour, douces fièvres !
Nuits, bois odorants, transports infinis !
Nos baisers, ami, chantaient sur nos lèvres,
Comme des oiseaux au bord de leurs nids.

Je trouve, ange, esprit, les heures cruelles ;
Bien souvent, morose et lasse de Dieu,
Je ferme les yeux et j’ouvre les ailes
Pour rêver d’amour au fond du ciel bleu.

Et je laisse errer mon vol solitaire…
Oh ! combien de fois, la nuit, dans les cieux,
Sur un astre d’or d’où l’on voit la terre
Nos ailes ont bu les pleurs de mes yeux !

Puis je repartais, frissonnante encore,
Secouant sur l’onde et sur le fruit mûr,
Sur le lys muet, sur l’arbre sonore,
Mes sombres regrets en larmes d’azur.

Et la jeune fille, à peine éveillée,
Qui sourit de l’aube aux pâles couleurs,
Ignorait, les pieds dans l’herbe mouillée,
Qu’un ange eût pleuré, la nuit, sur les fleurs.