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IX

LA FORÊT DU MOROIS


« Nous avons perdu le monde, et le monde nous ; que vous en samble Tristan, ami ? — Amie, quant je vous ai avec moi, que me fault-il dont ? Se tous li mondes estoit orendroit avec nous, je ne verroie fors vous seule. »
(Roman en prose de Tristan.)


Au fond de la forêt sauvage, à grand ahan, comme des bêtes traquées, ils errent, et rarement osent revenir le soir au gîte de la veille. Ils ne mangent que la chair des fauves et regrettent le goût du sel et du pain. Leurs visages amaigris se font blêmes, leurs vêtements tombent en haillons, déchirés par les ronces. Ils s’aiment, ils ne souffrent pas.

Un jour, comme ils parcouraient ces grands bois qui n’avaient jamais été abattus,