Page:Le Rouge et le Noir.djvu/285

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ristocratie ne badine pas en ce pays-ci, pensa Julien ; de plus, Vane est déshonoré, vilipendé, etc.

Julien le trouva gaillard, la rage de l’aristocratie le désennuyait. Voilà, se dit Julien en sortant de prison, le seul homme gai que j’aie vu en Angleterre.

L’idée la plus utile aux tyrans est celle de Dieu, lui avait dit Vane…

Nous supprimons le reste du système comme cynique.

À son retour : — Quelle idée amusante m’apportez-vous d’Angleterre ? lui dit M. de La Mole… Il se taisait. Quelle idée apportez-vous, amusante ou non ? reprit le marquis vivement.

— Primo, dit Julien, l’Anglais le plus sage est fou une heure par jour, il est visité par le démon du suicide qui est le dieu du pays ;

Secundo, l’esprit et le génie perdent vingt-cinq pour cent de leur valeur en débarquant en Angleterre ;

Tertio, Rien au monde n’est beau, admirable, attendrissant comme les paysages anglais.

— À mon tour, dit le marquis :

Primo, pourquoi allez-vous dire, au bal chez l’ambassadeur de Russie, qu’il y a en France trois cent mille jeunes gens de vingt-cinq ans qui désirent passionnément la guerre ? croyez-vous que cela soit obligeant pour les rois ?

— On ne sait comment faire en parlant à nos grands diplomates, dit Julien. Ils ont la manie d’ouvrir des discussions sérieuses. Si l’on s’en tient aux lieux communs des journaux on passe pour un sot. Si l’on se permet quelque chose de vrai et de neuf, ils sont étonnés, ne savent que répondre, et le lendemain matin à sept heures, ils vous font dire par le premier secrétaire d’ambassade, qu’on a été inconvenant.

— Pas mal, dit le marquis en riant. Au reste, je parie, monsieur l’homme profond, que vous n’avez pas deviné ce que vous êtes allé faire en Angleterre.

— Pardonnez-moi, reprit Julien, j’y ai été pour dîner une fois la semaine chez l’ambassadeur du roi, qui est le plus poli des hommes.