Page:Le Songe de Poliphile - trad. Popelin - tome 1.pdf/392

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strictement les avis royaux et les conseils salutaires de la Reine, en m’y conformant avec persévérance, attendu que j’en devais certainement recueillir un résultat heureux. Puis après elle m’accorda l’accès dont elle disposait. Aussitôt des choses plus divines qu’humaines s’offrirent à ma vue. C’était un apparat extraordinaire, dans une cour surprenante et spacieuse contiguë à la face du palais opposée à la première. Elle était parfaitement carrée. Je vis que son superbe et précieux pavage, enfermé dans une bordure de mosaïque, occupait un espace composé de soixante-quatre carreaux mesurant chacun trois pieds de côté. Ils étaient, alternativement, de jaspe couleur de corail et de jaspe sanguin très-vert. Leurs joints, ainsi que ceux d’un échiquier, étaient presque invisibles. La bordure avait en largeur un bon pas. C’était une mosaïque admirablement composée, d’un dessin fait de pierres encastrées, subtil et de formes délicates rendues à merveille, offrant une belle peinture obtenue au moyen de pierres précieuses également taillées et assemblées méthodiquement. On n’en pouvait distinguer les joints. La surface en était si polie, si bien égalisée, qu’un corps sphérique posé dessus n’aurait pu demeurer stable. Au delà de cette bordure, et l’enfermant, régnait, sur une largeur de trois pas, un fort noble entrelacs de jaspes, prases, calcédoines, agates et autres manières de pierres fines éclatantes. Le long des murs de cette cour j’aperçus un certain nombre de sièges, en bois de santal rouge[1] et citrin[2], fort bien faits et revêtus d’un velours d’un beau vert. Ils étaient rembourrés, en forme de coussins modérément bombés, avec de la

  1. Pterocarpus santalinus, de l’Inde.
  2. Le santal citrin, dont on extrait une huile volatile très-odorante.