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fleurs, de toutes les saisons, elles étaient de saphirs ainsi que de béryls distribués çà et là. Par une heureuse disposition et un bel artifice, au milieu de feuillages verdoyants, d’autres gemmes précieuses et massives figuraient des fruits de formes diverses, et des pierres agglomérées imitaient des grappes pendantes de couleurs naturelles.

Ces très-excellentes choses qui avaient dû nécessiter une dépense incomparable, incroyable, presque inimaginable, fulguraient de tous côtés, et leur prix ne venait pas seulement de leur noble et admirable matière, mais aussi, vraiment, de la grande et exquise façon dont elles étaient travaillées. Devant ces merveilles je me tenais rêveur, examinant attentivement et en détail cette extension vagabonde de rameaux entremêlés et d’une épaisseur proportionnée, cherchant à me rendre compte de l’habileté d’art, de l’audace téméraire, du vouloir obstiné qui les avaient assemblés et joints entre eux, soit en les soudant, soit en les clouant, soit en les fondant. Car il me paraissait impossible qu’une couverture si grande et si bien enchevêtrée eût été fabriquée aussi parfaitement à l’aide de ces trois méthodes de travailler et de façonner le métal.

Au beau milieu de la partie située en face de l’endroit par où nous entrâmes, au-dessus de quelques marches, sur un trône magnifiquement décoré de maint ornement en gemmes étincelantes, et d’une forme si merveilleuse que le siège en pierre Eusèbe[1], sis au temple d’Hercule Tyrien, ne lui saurait être comparé,


    musicien Isménias, et sur laquelle était figurée la tête d’Amymone, fille de Danaüs.

  1. Ενσεβής, Eusebes petra, religiosa gemma, pierre dont était fait, dans le temple d’Hercule, un certain siège sur lequel on voyait les Dieux.