Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 6, 1892.djvu/191

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Combien de fois, o nuit ! sous un pan de ta robe,
Qui caressait mon front par le doute abattu,
A travers les lueurs que le jour nous dérobe,
J’ai cru voir Dieu surgir, et compris la vertu !…

Quand tu mènes au ciel le chœur de tes étoiles,
Dont les rayons d’argent neigent sur les prés verts,
O reines des songeur ! dans les plis de tes voiles.
Le poète inspiré cueille ses plus beaux vers…

Tous mes chants te sont dus, vierge aux cheveux d’ébène !
Mon âme est une lyre endormie et sans voix…
Ses cordes n’ont jamais frémi qu’à ton haleine,
Ses accords n’ont vibré, Muse ! que sous tes doigts…

Mes aspirations, mes angoisses secrètes,
Mes désespoirs, mes vœux, mes larmes, mes tourments,
Je te les ai contés… Tu calmes mes tempêtes,
En y mêlant tes pleurs et tes apaisements…

O nuit, que maintenant je bénis et j’appelle,
Comme un cri de douleur cet hymne commencé
T’accusait de mes maux et te nommait cruelle,
Pardonne… je souffrais, et j’étais insensé !…

Qu’importe l’insomnie au cœur qui se sent vivre ?…
Pour le vulgaire, ô nuit ! réserve tes pavots :
C’est aux pâles clartés de sa lampe de cuivre
Que le fécond penseur accomplit ses travaux…

C’est là, devant sa table et les yeux aux étoiles,
Tandis qu’à ses rideaux joue et tremble le vent,