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LE 14 JUILLET

Pas d’argent, pas d’amis, pas d’espoir… Abandonné des miens, réduit à d’humiliants métiers, courant après quelques sous, et ne les trouvant pas, souvent… Il y a plus d’un jour où je me suis couché sans dîner. — Je ne veux pas te raconter cela… Plus tard, plus tard je te dirai… J’ai eu tort.

LUCILE.

Est-ce possible ? oh ! mon Dieu ! pourquoi ne venais-tu pas ?…

CAMILLE.

Tu aurais partagé avec moi ton petit pain ?… Ce n’était pas encore le plus dur. Lucile. On se passe de souper. Mais douter de soi, voir l’avenir fermé devant soi ; — et puis, cette petite fille, cette chère petite fille, dont les boucles blondes et les yeux bruns souriaient, à la fenêtre en face de ma fenêtre. — dont je suivais les pas, de loin, dans les allées du Luxembourg, savourant la grâce ingénue de ses gestes et la fine maigreur de son corps enfantin… Ah ! petite Lucile, si tu m’as fait oublier quelquefois ma misère, tu me l’as rendue plus lourde aussi, souvent ! Tu étais si loin de moi ! Comment aurais-je pu croire qu’un jour… ! Et ce jour, je le tiens, oh ! je le tiens bien ! il ne m’échappera plus. Je t’ai ! Je baise tes mains aux petites fossettes. Tout le bonheur du monde, elles me l’ont apporté. Le monde libre par moi ! Ah ! que je suis heureux !

Ils s’embrassent, et restent un instant sans parler.
CAMILLE, regardant Lucile.

Tu pleures ?

LUCILE, souriant.

Toi aussi.

Les lumignons des fenêtres voisines s’éteignent.
LUCILE.

Les lumières s’éteignent. L’aube vient.

Bruit de la foule au dehors.