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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

Rome aux temps d’épreuves, la nation menacée s’est soumise à une dictature pour briser les obstacles, et pour vaincre. C’est une dérision de prétendre que lorsque l’Europe et les factions menacent de tuer pour toujours la République, on ait le droit de tout dire, de tout faire, et de fournir par ses paroles et par ses actes des armes à l’ennemi.

CAMILLE.

Quelles armes lui donné-je donc ? J’ai défendu ce qu’il y avait de plus pur au monde : la fraternité, la sainte égalité, la douceur des maximes républicaines, ce res sacra miser, ce respect pour le malheur que commande notre sublime Constitution. J’ai fait aimer la liberté. J’ai voulu faire briller aux yeux des peuples la radieuse image du bonheur.

ROBESPIERRE.

Le bonheur ! Voilà le mot funeste, avec lequel vous attirez à vous tous les égoïsmes et toutes les convoitises. Qui ne veut le bonheur ? Mais ce n’est point le bonheur de Persépolis que nous offrons aux hommes, c’est celui de Sparte. Le bonheur, c’est la vertu. Mais vous, vous avez abusé de son expression sainte, pour réveiller dans l’esprit des lâches les désirs de ce bien criminel, qui consiste dans l’oubli des autres et dans la jouissance du superflu. Honteuse pensée, qui étoufferait bientôt la flamme de la Révolution ! Que la France sache souffrir, qu’elle mette son plaisir à souffrir pour être libre, à sacrifier son bien-être, son repos, ses affections pour le bonheur du monde !

CAMILLE, sur un ton de persiflage courtois, qui brusquement, à la fin de la tirade, devient incisif et tranchant.

Maximilien, en t’écoutant, un passage de Platon me revient à l’esprit : « Quand j’entends, disait le bon général Lachès, quand j’entends un homme qui parle bien de la vertu et que c’est un vrai sans-culotte, digne des propos qu’il tient, c’est pour moi une volupté inexprimable ; il me semble que c’est là le seul musicien qui rende une harmonie parfaite : car toutes ses actions s’accordent avec toutes ses