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DANTON

WESTERMANN.

Voilà le fruit de tes hésitations. Que n’as-tu devancé Robespierre !

DANTON.

La Révolution ne peut vivre sans nos deux têtes. Je n’aurais pu me défendre qu’en l’égorgeant. J’aime mieux la Révolution que moi.

Westermann sort.
PHILIPPEAUX.

Viens, Danton, il est consolant de mourir comme on a vécu.

DANTON.

J’ai commis tous les crimes pour la Liberté. J’ai endossé toutes les tâches redoutables que fuyait l’hypocrisie des autres. J’ai tout sacrifié à la Révolution, et je vois bien à présent que c’est en vain. Cette garce m’a trompé ; elle me sacrifie aujourd’hui ; elle sacrifiera Robespierre demain ; elle cédera au premier aventurier qui entrera dans son lit. — N’importe ! je ne regrette rien ; je l’aime, je suis content de m’être déshonoré pour elle. Je plains les pauvres bougres qui n’auront point frotté leur peau à celle de la Liberté. Quand on a une fois baisé la gueuse divine, on peut mourir : on a vécu.

Il sort avec Philippeaux.
FOUQUIER-TINVILLE

J’invite le jury à déclarer s’il est suffisamment instruit.

LE PRÉSIDENT.

Le jury se retire pour en délibérer.

Le jury sort.
La foule est houleuse, indécise, mal disposée. — Au dehors, on entend la voix de Danton, et les vociférations du peuple. — Le public se presse aux fenêtres. Quelques gens du tribunal vont aussi voir. Ceux qui sont dans la salle répètent les paroles du dehors, d’abord à mi-voix, puis plus fort.[P 1]

LE PEUPLE.
  1. Le clerc, se penchant à la fenêtre. — Les voilà qui sortent !

    Le peuple, qui est autour de lui, se pressant pour voir. — Voyons, voyons…