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intérieures, encadrées de tourelles ; dans l’une de ces tourelles, l’escalier qui conduisait chez Françoise ; et puis encore une galerie à colonnettes, menant à un pavillon construit entre les deux châteaux, le Vieux et le Neuf.

Ce qui se passa là, on n’en sait rien, à la vérité. On dit que, malgré les distances, la difficulté des communications, le secret de cette beauté enfouie vint jusqu’à la cour, et que François Ier, chasseur toujours à l’affût, friand de cette proie sans la connaître, enjoignit à Jean de Laval de paraître devant lui avec Françoise. Après toutes les réticences, il fallut bien en arriver là. On raconte que le mari, se retranchant derrière le refus de sa femme, avait enjoint à celle-ci de ne venir que sur un signe convenu, mais qu’un valet pénétra le secret, le trahit, et que la comtesse surgit où son mari ne l’attendait pas. Il devina son sort et disparut. La comtesse devint la favorite en titre, garda son pouvoir jusqu’à l’avènement de la duchesse d’Étampes. Qu’advint-il d’elle ensuite ? C’est ici que la légende intervient. Varillas raconte que, François Ier fait prisonnier à Pavie, le seigneur de Châteaubriant reparut, s’empara de sa femme, l’enferma avec sa petite fille dans une chambre tendue de noir. La petite fille morte, de langueur et d’anémie, le comte fit saigner la coupable aux quatre membres par deux chirurgiens, jusqu’à l’épuisement et la mort. À l’encontre de ce récit, il a été à peu près prouvé que Françoise mourut, non dans le sombre donjon, mais dans son joli château neuf, vers 1547, favorite délaissée ayant pris sa retraite. Il n’y a dans Brantôme que des détails gaillards sur ses équipées, non seulement avec le roi, mais avec l’amiral Bonnivet, et il est bien probable que Jean de Laval avait pris son parti, comme tant d’autres, de la condescendance royale et de ce qui s’ensuivit. Ce qu’il y a de plus certain, si l’on veut évoquer l’ombre de Françoise de Foix, c’est la ruine de son château vieux, c’est le joli aspect conservé de son château neuf, où l’on a logé le musée, le tribunal, la prison et la gendarmerie, et c’est aussi son portrait, un crayon de l’école de Jean Clouet, conservé à la Bibliothèque nationale, qui nous la montre de figure fine et sérieuse, le front tendu de bandeaux, le bas du visage mince, l’expression prudente et cruelle, un goût secret de volupté errant aux traits fermes et réguliers, une physionomie un peu italienne, parente de celles du Vinci.

LA COIFFE POLKA, LA PLUS PETITE COIFFE DE BRETAGNE.

Il faut laisser cette figure singulière trouvée au seuil de la Bretagne. Elle vaudrait bien encore un livre d’histoire ou un roman ; mais la route est longue à parcourir, et il faut, sans plus tarder, se mettre en marche. De Châteaubriant, je veux aller à Ploërmel par Messac ; mais je me laisse aller à remonter vers le nord, par Le Sel et Janzé, jusqu’à Châteaugiron. À Le Sel est un tertre de 20 mètres de haut, planté d’arbres, entouré d’une double enceinte, appelé la Motte de Chalonge. Près de Janzé, ce sont les traces d’un ancien camp romain et le menhir de la Pierre aux Fées. Un chemin se dirigeant vers le nord conduit de Janzé à Châteaugiron, une dizaine de kilomètres à travers prairies, pâturages, vergers, sur des routes ombragées de châtaigniers au long de magnifiques champs de sarrasin en fleurs. Le bourg de Châteaugiron, autrefois fortifié et défendu par un château, fut assiégé à différentes reprises. Mercœur l’enleva le 24 juin 1592 et fit mener à la potence les défenseurs avec leur chef, Jean Ménager. On ne montre plus le « chêne des pendus » qui servait de gibet, mais on montre l’endroit où il se trouvait. Du château, il ne reste que la chapelle et quelques blocs de murailles. De là, vers l’ouest, pour descendre sur Messac, un chemin me mène à Châtillon-sur-Seiche où les malades bretons viennent en pèlerinage toucher les reliques d’un saint limousin, saint Léonard. Là, on n’est pas bien loin de Rennes, mais il est inutile de remonter jusqu’à la capitale de la Bretagne pour prendre le train. À Bruz, ou plutôt au hameau de la Bihardaye, passe la ligne de Rennes à Redon, qui côtoie la Vilaine. Je la prends et descends à Guichen. Rien à voir à Guichen, mais j’en garde le souvenir d’une arrivée au soir, d’un doux silence, d’une minute harmonieuse. Au matin, je vais en char-à-banc jusqu’à la Vilaine, je regarde couler l’eau pure et fraîche à travers un délicieux paysage de verdure, et je vais à Guignen, dont la belle église renferme la statue armée et agenouillée de Jean de Saint-Amadour, vicomte de Guignen, grand-veneur et grand-maître des eaux et forêts de Bretagne. De là, à Messac, à l’église bâtie devant un rocher creusé d’une grotte que l’on croit être un ancien autel druidique, puis au