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la neige. Il servira de magasin pour les boîtes de conserves et la viande fraîche. En même temps un ingénieux agencement de planches permet d’y recevoir la neige provenant du toit. Cent vingt chiens vagabondent autour de la station ; il est donc nécessaire de s’assurer les moyens d’avoir de la neige propre pour la cuisine et les usages domestiques.

Avant l’arrivée des grands froids, nous avons à nous occuper de l’installation des quartiers d’hiver de la meute, Pour cela, nous creusons la Barrière jusqu’à une profondeur de 1 m. 50, travail pénible qui nécessite l’emploi de la hache à glace, et sur cette excavation nous dressons ensuite une tente. L’abri a une hauteur de 6 mètres et un diamètre de 4 m. 50 à la base. Au milieu, douze piquets également espacés sont enfoncés dans la glace pour attacher les habitants du logis. Les chiens parurent goûter leur installation ils y étaient du reste fort bien. Pas une seule fois pendant leur séjour sous la tente je n’ai vu leurs poils couverts de givre. Ces gîtes spacieux, bien aérés et bien éclairés, réunissaient toutes les conditions hygiéniques désirables. Pour le préserver de la dent des habitants, le piquet central de la tente fut entouré d’une colonne de neige jusqu’à hauteur d’homme.

Dans certaines circonstances une embarcation pouvant nous être utile, le Fram nous avait laissé une de ses baleinières. Elle fut hissée sur la Barrière, à quelques centaines de mètres des bords de la baie, et son emplacement indiqué par un mât de pavillon.

Pendant que nous sommes allés installer le dépôt, nos camarades se sont livrés à une hécatombe de phoques. Il est par suite urgent de dresser la tente qui doit abriter toute cette provision. Si on la laisse sans protection sur la colline, elle ne durera pas longtemps. Aussi, pour la mettre à l’abri des entreprises des chiens en attendant l’édification du magasin, l’entourons-nous d’un mur de neige de 2 mètres de haut.

Le 22 février, nous nous remettrons en route pour aller établir un second dépôt. D’ici là, le travail ne manque pas. Nous avons d’abord à préparer les vivres que nous emporterons. Il faut ouvrir les caisses de pemmican, puis les boîtes soudées qu’elles renferment, et qui contiennent chacune quatre rations, ensuite remettre ces rations dans leur caisse, sans la boîte de fer-blanc. Nous allégerons ainsi les charges et éviterons en même temps l’ennui de faire plus tard le travail, sur la Barrière, lorsque nous prendrons ces approvisionnements aux dépôts pour l’expédition du Pôle. Pour le soustraire à la chaleur pendant la traversée de la zone tropicale, le pemmican avait été enfermé dans des caisses soudées. Ces deux opérations, ouvrir les boîtes et en remballer le contenu, demandèrent beaucoup de temps, mais nous en vînmes à bout. Le travail fut exécuté dans l’appentis-véranda.

L’ENTRÉE DE LA CABANE SOUS LA NEIGE.

La révision de notre équipement est également très longue. Le chapitre chaussures doit être étudié à fond. La majorité se prononce pour un modèle de bottes rigides auquel quelques modifications seront apportées ; les autres préfèrent des formes souples. Pour le moment, tout cela n’offre pas grande importance, car, lors de la marche vers le Pôle, tous nous devrons prendre de gros brodequins afin de pouvoir nous tenir sur la glace. Par conséquent, libre aux partisans des chaussures molles de porter le modèle qui leur convient jusqu’au moment où les circonstances les obligeront à en choisir d’autres. Personnellement, j’opte pour des bottes à fortes semelles dures et à dessus souples, assez larges pour que je puisse mettre plusieurs paires de bas. Si notre fournisseur nous avait vus découper sans scrupule le travail dont il était si fier, il en eût fait une maladie. Inexpérimenté dans l’art de la cordonnerie, j’accepte avec reconnaissance l’offre de Wisting de mettre au point mes chaussures. Quand il me les rend, elles sont méconnaissables ; mais peu importe l’aspect : elles sont chaudes et larges à souhait, c’est là l’essentiel. À la place de la tige en toile à voile, Wisting en a monté une en étoffe tout à la fois légère et impénétrable au vent. De plus, aux